Rapport 2005 du Haut Conseil Assurance Maladie

Publié le par RR

Rapport 2005 du Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie

 adopté le vendredi 8 juillet 20051

 NOTE INTRODUCTIVE

« En permettant l'accès de tous à des soins de qualité et au progrès médical, l'assurance maladie constitue une indéniable réussite de ces soixante dernières années. Notre système de soins a certes ses forces et ses faiblesses ; il est perfectible dans de nombreux domaines. Mais les critiques qu'on lui adresse - nécessaires, car il doit sans cesse être mû par l'exigence impérieuse d'améliorer le service qu'il rend à la population - ne doivent pas faire oublier les avancées qu'a permises une protection maladie solidaire et généreuse.

Aujourd'hui cependant tous les systèmes de soins sont traversés par des interrogations profondes. Le nôtre ne fait pas exception. Il accapare une part toujours croissante de la richesse nationale, asséchant les marges de manœuvre pour d'autres besoins sociaux, sans que cette croissance résulte d'un choix clairement exprimé - on la constate toujours après coup -, et sans que l'on soit toujours sûr que les Euros dépensés en plus procurent un réel bénéfice aux patients.

Cette croissance insuffisamment contrôlée pose la question de la viabilité financière du système. L'assurance maladie connaît des déficits récurrents, et ceux des années récentes atteignent des niveaux sans précédent : en 2004, plus d'un mois de fonctionnement n'était pas financé par les recettes courantes. Ces déficits ne sont pas ressentis à leur juste mesure parce qu’ils ne sont pas compensés par des efforts immédiats, sous forme d’augmentations de cotisations ou de baisse des remboursements. Notre pays s’est habitué à reporter cet effort sur les générations futures. Au 31 décembre 2006, les reprises de dette (tous régimes) par la CADES depuis 1996 s’élèveraient à plus de 100 milliards d’Euros, dont seulement une faible partie sera amortie à cette date. Et pendant vingt ans, les jeunes qui démarrent aujourd’hui leur vie active verront leurs revenus amputés pour financer des consommations médicales passées.

Face à cette situation, le Haut Conseil a souligné l’impossibilité à faire vivre l'assurance maladie à crédit et la nécessité de trouver un chemin de "développement durable" si l'on veut non seulement préserver ce bien commun, mais aussi le faire progresser. Il s’agit pour ce faire d’améliorer le fonctionnement et l'organisation du système de soins d’une part, de savoir faire des choix, pour garantir un accès universel aux soins efficaces sans diluer la capacité de financement sur des services sans valeur ajoutée d’autre part.

Quel regard porter sur le chemin parcouru depuis le diagnostic formulé par le Haut Conseil en janvier 2004 ?

Premier constat : le solde de l’assurance maladie s’est amélioré, notamment du fait de l’augmentation des recettes, ainsi que d’une amorce de décélération des dépenses.

Second constat : plusieurs réformes structurelles sont aujourd'hui mises en œuvre, qui visent à optimiser le système et à faire évoluer en profondeur les comportements des acteurs. Certaines sont le résultat de processus engagés avant même que le Haut Conseil n'entame le débat sur la réforme de l'assurance maladie. Il en est ainsi du changement de tarification à l'activité (T2A), de la gouvernance à l'hôpital, de la loi sur la santé publique, de la mise en place de la classification des actes médicaux (CCAM), qui est l'aboutissement d'un chantier ouvert il y a une dizaine d'années. Enfin la loi du 13 août 2004 sur la réforme de l'assurance maladie est venue apporter des innovations organisationnelles majeures, avec le parcours de soins et le dossier médical personnel (DMP), ainsi qu'une réorganisation profonde des responsabilités de gestion du système.

Ces réformes, qui répondent à des dysfonctionnements ou des carences du système, sont dans leurs principes positives.

Ainsi la CCAM et la T2A viennent remplacer partiellement des systèmes de tarification qui ont fait l'objet de critiques réitérées : tout le monde s’est accordé à dénoncer l’obsolescence de la nomenclature des actes médicaux et son caractère inéquitable, ou l’absence d’incitation à l’efficience du budget global et la non pertinence de la rémunération des cliniques.

De même, le parcours de soins et le dossier médical personnel peuvent être les outils d'une meilleure coordination des soins au service des malades, autant que d'un usage plus économe des ressources. Le médecin traitant, pierre angulaire du parcours de soins, peut plus facilement organiser l'ensemble du suivi et du traitement des malades chroniques, aider ses patients à gérer leur calendrier de prévention, etc. Cette réforme ouvre donc, pour la majorité des membres du Conseil, la voie à une amélioration de la performance du système, tant en termes de qualité que d'efficience. Elle est porteuse d'évolutions structurelles des comportements des médecins et des patients : on peut attendre de la « fidélisation » des patients auprès de leur médecin traitant une continuité des soins qui se traduise sur la durée par un rapport médecin / patient plus confiant, ce qui permettrait de mieux faire admettre des inflexions sur les prescriptions ; dans l’autre sens, le médecin voit son rôle évoluer vers une responsabilité vis-à-vis de sa patientèle, ce qui peut l’amener à développer son rôle en matière de prévention et de gestion des protocoles de soins notamment.

La réforme d'août 2004 fait aussi le pari que la nouvelle organisation des rôles et la clarification des responsabilités mises en place faciliteront une gestion plus active du périmètre de soins, ainsi qu’une gestion plus efficace du risque avec l’ensemble des professionnels de santé.

Mais on ne peut attendre de telles évolutions structurelles, qui visent à modifier en profondeur les conditions de fonctionnement et les comportements, des bénéfices instantanés. Ils ne peuvent se déployer que progressivement, dans la durée, et le décalage de calendrier avec l'urgence de la situation financière est pour une part inévitable.

Trois éléments risquent d'ailleurs de venir accentuer ce décalage :

- le déploiement des mesures lui-même n'est pas aussi immédiat qu'espéré – ou annoncé. C'est le cas pour le DMP. Le Haut Conseil souligne à ce titre l’urgence de la publication des textes juridiques qui l’encadrent. Le retard pris dans les décrets qui définissent les conditions de remboursement en lien avec le parcours de soins est également préjudiciable, car il décale d'autant sa mise en place effective.

- ces réformes nécessitent, pour être menées à bien, des investissements nouveaux. Le DMP en est là encore un exemple. La réforme hospitalière, si elle doit porter ses fruits, doit faire l'objet d'un accompagnement pour aider les établissements à faire les gains d'efficience nécessaires - faute de quoi le risque existe qu'ils tentent d'échapper à la contrainte par des reports de charges ou des dotations complémentaires « négociées ».

- enfin certaines de ces réformes ont été conçues plus pour rendre l'allocation des ressources plus efficace que pour faire des économies. Le cas de la T2A ou de la CCAM est exemplaire à cet égard. La T2A vise à introduire une rémunération du service rendu plus rationnelle sur le plan économique, obligeant ainsi les directions hospitalières à faire des efforts de rationalisation de leur gestion : elle ne génère pas en elle-même, telle qu'elle est conçue, d'économies nettes. Au contraire, sa mise en place, comme celle de la CCAM, n'est pas dénuée de risques.

Pour toutes ces raisons, les gains financiers nets à attendre de ces réformes à très court terme sont certainement limités.

Ceci ne signifie nullement, pour la majorité des membres du Conseil, qu'il faille les abandonner, ou les dégrader jusqu'à les vider de leur sens. Ce serait au contraire la pire des solutions, car alors tous les bénéfices que l'on peut en engranger à terme seraient perdus. Il importe au contraire d'aller jusqu'au bout des logiques qui ont été enclenchées, d’assurer le déploiement des dispositifs prévus et de leur donner une traduction opérationnelle cohérente avec l’ambition de départ. Ainsi il faut ne pas rogner sur l’ambition du DMP, et mettre des moyens organisationnels à hauteur de l’enjeu. La T2A doit jouer son rôle restructurant, et obliger les établissements à se doter des instruments et des pratiques de gestion qui font aujourd'hui trop souvent défaut. Il faut même sans doute aller plus loin dans certains domaines : ainsi les perspectives en matière de démographie des professions de santé obligent-elles à repenser au plus vite les rôles des professionnels et les organisations de travail.

Mais il est peu probable que l'ensemble de ces réformes permette à elles seules d'atteindre l'équilibre financier à l'horizon 2007, compte tenu de la situation de départ très dégradée des comptes.

Rappelons en effet que l'année 2004 s'est soldée par un déficit de 11,6 MD€. Au regard de ce point de départ, le déficit 2005, tel que la commission des comptes de la sécurité sociale l'anticipe au vu des tendances d’évolution des premiers mois et des hypothèses économiques, représente un effort de redressement très sensible, puisqu'il s'établirait à 8,3 MD€. Mais il est très largement imputable à une augmentation des recettes2.

Si les prévisions actuelles se confirment, la situation 2005 serait à peu de chose près conforme aux objectifs affichés, tant pour l’ONDAM que pour le déficit. Il s’agit là d’un résultat positif qu’il faut souligner, notamment pour les soins de ville. La progression sensible des génériques, l’amélioration notable de la situation en termes d’indemnités journalières depuis quelques mois constituent autant d'éléments encourageants.

Il n’en demeure pas moins que, si l’on ne veut pas accroître la dette au-delà de ce qu’a prévu la loi d’août 2004, le degré de contrainte à imposer au système dans les deux ans à venir, dans le cadre des structures de financement actuelles, reste extrêmement fort.

Si l’on veut rester dans l’enveloppe convenue d’endettement, le déficit 2006 ne devrait pas excéder 6,7 MD€. Sans ajustements nouveaux des taux de remboursement, l’ONDAM devrait alors, compte tenu des perspectives actuelles de recettes inférieures aux recettes attendues, progresser d’environ 2%. Revenir, sans nouvelles recettes, à un solde proche de l’équilibre en 2007 conduirait à un ONDAM voisin, en valeur absolue, de celui de 2006. Une telle évolution est à l’évidence peu réaliste.

Si, comme le Haut Conseil en réaffirme la nécessité, nous ne voulons pas obérer les capacités financières des générations futures en recourant à un endettement supplémentaire pour couvrir la croissance des dépenses de l’assurance maladie, au delà de la poursuite des efforts entrepris pour optimiser le système de soins, des mesures complémentaires devront être prises pour assurer l’équilibre - qu'elles portent sur les recettes et/ou les niveaux ou modalités de prise en charge. »

Renvois :

1 Rapport adopté à l’unanimité des membres du Haut Conseil à l’exception de la délégation Force Ouvrière

 

 

2 En 2005, la progression des recettes du régime général, branche maladie, devrait être de 7,1Md€ dont plus de 4,2Md€ de recettes nouvelles. La progression de l’ONDAM en 2005, prévue à 3,8%, est nettement inférieure à celle constatée au cours des années précédentes (6,3% en 2004, 5,1% en 2004). Toutefois, à système de recettes inchangées, la progression des dépenses prévues en 2005 serait supérieure à celle des recettes et le déficit 2005 serait de plus de 12,5Md€.

Source Rapport 2005 du Haut Conseil PDF de 119 pages  959 Ko

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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